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Pour donner expression à leur nouvelle foi, les premiers chrétiens sentirent immédiatement l’urgence d’adopter, entre autres choses, une nouvelle place et un nouveau temps de culte. Tout simplement, l’origine du christianisme résulte d’une séparation immédiate et radicale du judaïsme, ce qui causa des innovations rigoureuses de la liturgie et du calendrier religieux.
Une conception erronée.
Cette conception d’origines chrétiennes est inexacte et fallacieuse. Le Nouveau Testament indique que la venue du Christ apporta une certaine discontinuité en accomplissant les promesses de l’Ancien Testament. Mais cette discontinuité n’est jamais interprétée en termes d’abrogation de la loi de Moïse en général, ou de l’abrogation du Sabbat en particulier. La signification de la discontinuité doit être définie en terme du sens de continuité qui est évident dans le Nouveau Testament. Pour illustrer la présence d’une continuité, on étudiera brièvement quelques textes dans les écrits de Luc, et dans Matthieu et Hébreux.
1. LA CONTINUITÉ DANS LES ÉCRITS DE LUC
Les Juifs croyants.
Luc souligne la continuité entre le judaïsme et le christianisme en diverses façons. Un bon exemple se trouve dans sa description de l’église apostolique. Maintes et maintes fois il rend compte de multitudes de milliers de Juifs qui sont convertis (Ac 2.41; 4.4; 5.14; 9.42; 12.24; 13.43; 14.1; 17.12; 21.20).
Pour un lecteur moderne, la « conversion » implique un changement radical dans le genre de vie et/ou de religion. Cependant, ceci n’était pas nécessairement le cas des premiers convertis. Pour les « plusieurs milliers » de Juifs qui crurent (Ac 17.20), leur acceptation de Jésus de Nazareth comme le Messie qu’ils attendaient, ceci ne signifiait pas pour eux, un renoncement de leur religion juive pour se joindre à une nouvelle religion du christianisme. Ils se voyaient eux-mêmes, tout simplement comme « des Juifs croyants »[1].
Les Juifs pouvaient être convertis par milliers parce que leur acceptation de Jésus de Nazareth comme le Messie qu’ils attendaient, ne signifiait pas pour eux un renoncement à leur religion, mais plutôt, l’accomplissement de leur espérance messianique. La situation changea dramatiquement quand la mission chrétienne parvint au-delà des Juifs et prosélytes Juifs, aux païens « purs ». Par la suite, les baptêmes ne se produisirent pas journellement par milliers, mais généralement en plus petit nombre, chaque année durant la Pâque. Ceci, à cause que les païens, contrairement aux Juifs, devaient se détacher radicalement de leurs anciennes pratiques et croyances.
Le respect pour la loi.
Le sens de continuité est évident dans le respect que Luc a pour la loi. Il décrit les milliers de Juifs croyants qui « sont zélés pour la loi » (Ac 21.20). Il décrit Paul comme un « Pharisien » (Ac 23.6) qui croit « tout ce qui est écrit dans la loi et dans les prophètes » (Ac 24.12), et qui n’a rien fait « contre la loi des Juifs, ni contre le temple » (Ac 25.8, 28.17). Pour prouver qu’il se conduisit « en observateur de la loi », Paul se chargea d’entreprendre une purification au temple (Ac 21.24-26).
A plusieurs reprises, Luc parle de « la loi de Moïse » (Lc 2.22; 24.44; Ac 13.39; 28.23) qu’il appelle les « paroles vivantes » (Ac 7.38FC). Jacob Jervell indique qu’il « n’y a pas de conflit envers la loi dans l’attitude de Jésus décrite dans plusieurs débats concernant le Sabbat. Luc rapporte pas moins de quatre débats, et il s’occupe de montrer que Jésus agissait en conformité totale à la loi, et que les dirigeants Juifs n’étaient pas capables de soulever aucune objection[2].»
La reconnaissance de discontinuité.
Ceci ne signifie pas que Luc ignore la discontinuité causée par la venue du Christ. Il voit en Christ l’accomplissement de chaque chose écrite « dans la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes » (Lc 24.44,27; 4.21). Cet accomplissement implique l’inauguration d’un nouvel âge.
La discontinuité est aussi présente dans l’énoncé de Jésus dans Luc 16.16: « Jusqu’à Jean, c’étaient la loi et les prophètes; depuis lors, le royaume de Dieu est annoncé comme une bonne nouvelle.» Ce verset indique certainement un élément de discontinuité parce que l’âge de la loi et des prophètes a cédé la place à la proclamation du royaume de Dieu.
Cependant, cette discontinuité n’entraîne pas une abrogation de la loi, car le verset suivant déclare: « Il est plus facile pour le ciel et la terre de passer, que pour un seul trait de lettre de la loi de tomber » (v.17).
Le concile de Jérusalem.
Le concile de Jérusalem est généralement vu comme le point décisif de l’histoire de l’église apostolique, quand une rupture catégorique fut faite en principe avec la loi. Par exemple, Max M. B. Turner tire cette conclusion par deux observations majeures. Premièrement, il démontre que le décret imposé aux Gentils comprenait seulement les quatre lois rituelles que ceux qui séjournaient en Israël étaient tenus d’observer (Lv 17-18). Ceci implique que les autres aspects de la loi de l’Ancien Testament, telle que l’observation du Sabbat, n’étaient plus obligatoires pour les Gentils. A l’appui de cette conclusion, il écrit: « La cour finale d'appel du concile, n’est pas Moïse et la loi—ils ne sont pas même mentionnés dans la lettre—mais l’Esprit (Ac 15.28)[3].»
D’abord, cette conclusion est incorrecte parce qu’elle ignore le fait que les Gentils auxquels le concile adressait, étaient, pour la plupart, si non en tous cas, des « craignants de Dieu » qui avaient été instruits dans la foi juive (Ac 10.2; 11.19-20; 13.43,44; 14.1). De plus, la coutume de l’observation du Sabbat avait été acceptée par beaucoup de Gentils. Philon, dans un passage bien connu, écrit: « Il n’y a pas un seul peuple à qui la coutume d’observer le Sabbat n’a pas été répandue[4].» Tertullien reproche aux païens d’avoir adopté les coutumes juives, tel que le Sabbat[5].
Un autre fait souvent ignoré, c’est que les Juifs influencèrent les Romains à adopter la semaine de sept jours au lieu de leur « semaine de marché » de huit jours (nundinum: "Les nundines, en latin nundinae (de novem « neuf » et dies « jour »), étaient l'appellation des jours de marché dans la Rome antique, qui dans le calendrier romain revenaient périodiquement tous les neuvièmes jours1. Elles marquaient la séparation des semaines, lesquelles étaient de huit jours et non de sept. Les Romains comptaient les intervalles de temps en incluant le jour entamé qui suivait la période écoulée, et donc parlait du neuvième jour pour indiquer un intervalle de huit jours complets. (ajout de Caleb"). Quand cette adoption eut lieu, juste avant l’ère chrétienne, les Romains firent du samedi, le premier et le plus important jour de la semaine pour banqueter et se reposer[6]. A la lumière de ces faits, il était peu nécessaire pour le concile de légiférer concernant l’observation du Sabbat pour les Gentils.
Recours à Moïse. L’affirmation de Turner que « la cour finale d’appel du concile n’est pas Moïse et la loi, mais l’Esprit », est discréditée par le fait que le concile appuie la proposition de Jacques parce qu’il fait appel à Moïse pour son autorité: « Car, depuis les anciennes générations, Moïse a dans chaque ville des gens qui le prêchent, puisqu’on le lit chaque Sabbat dans les synagogues » (Ac 15.21)[7].
Jervell note justement que: « Peu importe comment ce passage compliqué (Ac 15.21) est interprété dans le détail, la fonction de ce verset est de rendre valable le décret, et de faire appel à Moïse pour témoin. Chacun qui connaît véritablement Moïse, sait que ce décret exprime ce que Moïse exigea des Gentils, afin qu’ils puissent vivre parmi les Israélites[8].» De plus, comment l’autorité de Moïse peut-elle être invalidée quand les quatre lois rituelles sont rédigées de ce que Moïse lui-même a écrit[9] (Lv 17-18)?
Les Gentils: Sont-ils exemptés de la Loi?
Le deuxième argument de Turner est tiré de l’énoncé de Pierre (Ac 15.10-11): « Maintenant donc, pourquoi tentez-vous Dieu, en mettez-vous sur le cou des disciples un joug que nos pères et nous-mêmes nous n’avons pas été capables de porter? Mais c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous croyons être sauvés, de la même manière qu’eux.» Voici la conclusion que Turner tire de ce passage: « La loi est maintenant vue tout simplement comme un fardeau que ni les pères, ni la génération présente pouvaient porter.» Ainsi, Pierre défend « le salut sans la loi, pour les Gentils[10].»
Cette conclusion ignore le contexte immédiat qui traite, non de la loi en générale, mais spécialement de la circoncision (15.1,5,9). Deuxièmement, il est impensable que Pierre voyait toute la loi de Moïse comme un fardeau insupportable, quand une grande partie d’elle contient des stipulations pour le pardon et la restauration, et quand, auparavant, elle est décrite comme des « oracles vivants pour nous les donner » (Ac 7.38 S).
De plus, le concile n’a pas dispensé les Gentils de l’observation de toute la loi, mais seulement de la loi de la circoncision. Les quatre lois rituelles font partie de la loi mosaïque (Lv 17-18).
L’adhérence des Gentils à la loi.
Un regard attentif au décret de ce concile, ne suggère guère un « salut sans-loi » pour les Gentils. Comme Jacob Jervell note perceptiblement: « Le décret apostolique enjoint les Gentils à observer la loi, et ils observèrent la partie de la loi exigée pour eux, afin de vivre ensemble avec les Juifs. Ce n’est pas légal d’imposer aux Gentils plus que ne demanda Moïse. C’est faux de parler des Gentils libérés de la loi. Au contraire, l’église donna la loi aux Gentils, en tant que Gentils. Ainsi, Luc démontre un attachement complet à la loi, de même que, le salut aux Gentils, en tant que Gentils[11].»
Les observations ci-dessus discréditent les données de Turner « que le concile de Jérusalem fit en principe une rupture de la loi[12].» Au contraire, « les frères » se sentirent inspirés par le Saint-Esprit d’appliquer aux Gentils, la loi mosaïque concernant les « étrangers » qui habitaient parmi les Juifs. L’application était assurément plus large que la provision juive pour les « étrangers » qui étaient perçus comme de citoyens de seconde classe.
Le concile de Jérusalem permettait aux Gentils de faire partie totalement du peuple de Dieu (Ac 15.14). Cette décision était en accord avec l’attitude d’Ésaïe envers « étrangers » qui gardent le Sabbat et ne le profanent pas, « et qui demeureront fermes dans mon alliance.» Ces gens, dit le prophète, Dieu les acceptera comme Son peuple « car ma Maison sera appelée une Maison de prière pour tous les peuples » (Es 56.6-7).
Le point de vue de l’Église.
Le sens de continuité est aussi évident dans le point de vue de Luc envers l’Église. Il la voit, non comme un nouvel Israël provenant du rejet du vieux, mais comme le « vieux Israël » qui est en train d’être restauré selon la promesse de Dieu. Ce point de vue est exprimé surtout dans le discours de Jacques au concile de Jérusalem où il cite Amos 9.11, pour prouver que la conversion des Gentils fait partie de l’accomplissement de cette prophétie concernant la restauration d’Israël (Ac 15.16-18).
La prophétie d’Amos concernant les Gentils qui vont en foule à l’Israël restauré, est vue comme étant accomplie dans la multitude de conversions juives par lesquelles le salut fut porté aux Gentils. « Ainsi », écrit Jervell, « la continuité de l’histoire du salut fut aussi assurée; Luc n’est pas au courant d’une rupture dans l’histoire du salut[13].»
Les temps et les places des assemblées chrétiennes.
Une autre indication de continuité peut-être vue dans les références fréquentes de Luc sur le temple, la synagogue, la prière, et la prédication— lesquelles suggèrent que le culte chrétien était vue comme une continuation et une réinterprétation des offices religieux juifs. La synagogue est l’endroit de culte qui est le plus fréquemment mentionné. Paul se rassemblait régulièrement avec des « Juifs et des Grecs » dans la synagogue, et même Apollos se rassemblait avec les croyants d’Éphèse dans la synagogue (Ac 18.24-26)[14].
Après le martyre d’Étienne, Paul rechercha les chrétiens dans les synagogues de Damas (Ac 9.2; 22.19), probablement parce qu’ils s’y assemblaient, encore là. Plus tard, dans son propre ministère, l’apôtre, « selon sa coutume » (Ac 17.2), se rassemblait régulièrement le jour du Sabbat avec les Juifs et les Gentils, soit dans les synagogues, en plein air, ou à domicile (Ac 13.14; 17.2; 18.4; 13.44; 16.13). Ceci était possible parce qu’aucune séparation radicale ne s’était encore produite des temps et des places de rassemblement juives.
2. Continuité dans l’évangile de Matthieu
La continuité entre le judaïsme et le christianisme qu’on a remarqué dans Luc, se trouve également dans l’Évangile de Matthieu. Les quelques exemples suivants suffiront pour démontrer l’accentuation de Matthieu sur la continuité.
La vie et l’enseignement du Christ.
Les plus grands événements de la vie du Christ, tels que la conception, la naissance, le massacre d’enfants innocents, l’annonce du ministère du Christ par Jean-Baptiste, le baptême, etc., sont tous présentés par Matthieu comme étant l’accomplissement directe des prophéties messianiques.
Non seulement la vie-même, mais aussi les enseignements du Christ, sont présentés comme la continuation et la confirmation de l’Ancien Testament. Le « précepte fondamental de l’amour d’autrui » de Matthieu 7.12 est présentée comme étant l’essence-même de « la loi et les prophètes.» Dans Matthieu 22.40, les deux grands commandements sont vues comme le fondement sur lequel dépend « toute la loi et les prophètes.» Et dans Matthieu 19.16-19, Jésus indique au jeune homme riche qui désirait savoir ce qu’il devait faire pour avoir la vie éternelle: « Observe les commandements.» Ensuite, Il se mit à en énoncer cinq d’entre eux.
L’accomplissement de la loi.
Peut-être, l’affirmation la plus énergique de continuité dans l’Évangile de Matthieu, se trouve dans le passage où Jésus affirme d’être venu, non pas pour « abolir », mais pour « accomplir » la loi et les prophètes (Mt 5.17-20). A la lumière de l’antithèse des versets 27-48, « accomplir » semble signifier: « clarifier/expliquer » la signification de la loi et des prophètes. A plusieurs reprises dans l’Évanglie de Matthieu, Jésus agit comme l’Interprète suprême de la loi, qui attaque l’obéissance externe [selon les apparences] et quelques traditions [non-bibliques] réglementaires judaïques (Mt 15.3-6; 9.13; 12.7; 23.1-39).
« Accomplir » peut aussi se référer aux réalisations prophétiques de la loi et des prophètes dans la vie et le ministère du Christ. Ceci impliquerait un élément de discontinuité qui a porté certains de conclure la fin de la loi et les prophètes dans la vie la mort, et la résurrection du Christ. Cette interprétation dépasse la mesure, parce que le verset 18 affirme explicitement que la loi serait valide « jusqu’à ce que le ciel et la terre passent.» Cette expression surpasse le ministère terrestre du Christ.
A la lumière des considérations précédentes, on conclut que Matthieu voit dans le Christ, non la fin de la loi et des prophètes, mais leur réalisation et continuation. On peut dire que dans Matthieu, la loi et les prophètes continuent à vivre dans le Christ, qui clarifie, et dans certains cas, qui intensifie leurs enseignements (Mt 5.21-22,27-28).
3. Continuité et discontinuité dans l’épître aux Hébreux
L’épitre aux Hébreux fournit une pénétration valable de la façon dans laquelle la tension entre la continuité et la discontinuité était en train d’être résolue durant les temps du Nouveau Testament. L’Épitre suggère que le sens de continuité avec l’Ancien Testament était si profond que certains chrétiens (de Juifs hellénistiques, selon F.F. Bruce[15]) ont réellement retourné à la pratique de leur « foi ancestrale juive » et de leur « liturgie juive »[16].
Pour neutraliser l’influence du culte sacrificatoire juif, l’auteur démontre la supériorité du Christ en comparaison avec les anges, de Moïse, et le sacerdoce. Le dernier des trois, est largement discuté dans les chapitres 7 à 10, apparemment parce que le culte sacrificatoire juif exerçait encore une grande attraction pour ces chrétiens.
La discontinuité dans L’Épitre aux Hébreux.
L’auteur de l’Épitre aux Hébreux souligne la discontinuité apportée par la venue du Christ, quand il dit: « si donc la perfection avait pu être atteinte par le sacerdoce lévitique » (7.11), il n’aurait pas été nécessaire pour le Christ de venir. Mais parce que les sacrificateurs, le sanctuaire, et ses offices étaient « symboliques » (9.9, voir TOB; 8.5), ils ne pouvaient pas par eux-mêmes « rendre l’adorateur parfait en sa conscience » (9.9 Jér.). Par conséquent, il était nécessaire pour le Christ de venir « une fois pour toutes, à la fin des temps… pour abolir le péché par son sacrifice » (9.26 Jér.). La conséquence de la venue du Christ est décrite comme « l’abolition », « l’abrogation », la « suppression », et la « vieillissance » de tous les offices lévitiques associés au sanctuaire (7.18; 8.13; 10.9; comparez les différentes versions).
Certains ont interprété ces affirmations comme indiquant une abrogation radicale générale de la loi de l’Ancien Testament, et du Sabbat en particulier[17]. Une telle interprétation ignore que les énoncés en question sont trouvés dans les chapitres 7 à 10, lesquels s’occupent de règlements sacrificatoires lévitiques. Quoique l’auteur dans ces chapitres, se serve de termes tel que « loi » (10.7) et « alliance » (8.7,8,13), il les mentionne en se référant au sacerdoce et aux offices lévitiques. C’est dans ce contexte, c’est à dire, quand ils se rapportent au sacerdoce lévitique, qu’ils sont déclarés abolis (10.9). Mais cette déclaration peut à peine être comprise en tant qu’énoncé abstrait pour l’abrogation générale de la loi.
La continuité dans l’Épitre aux Hébreux.
On doit remarquer le fait que l’Épitre aux Hébreux enseigne non seulement la discontinuité, mais aussi la continuité. Cette dernière est exprimée de différentes façons. Il y a une continuité dans la révélation que le même Dieu qui parla autrefois « à nos pères par les prophètes », et qui maintenant, dans ces derniers temps, « nous a parlé par le Fils » (1.1-2). Il y a une continuité dans la fidélité de Moïse et du Christ, et dans leurs accomplissements (3.2-6).
Il y a continuité dans le sacerdoce rédempteur qui a été offert symboliquement dans le sanctuaire terrestre par les sacrificateurs et réellement dans le sanctuaire céleste, par le Christ Lui-même (chapitres 7 à 10). Il y a continuité dans la foi et l’espérance par le fait que les croyants du Nouveau Testament partagent la foi et les promesses de l’Ancien Testament (chapitres 11 et 12).
Plus spécifiquement, il y a une continuité dans le « sabatismus »— un terme employé d’une façon technique par Plutarque, Justin, Épiphane, et dans les « Constitutions Apostoliques », pour désigner l’observation du Sabbat— lequel « demeure » (apoleipetai), littéralement « est laissé en arrière pour le peuple de Dieu » (4.9)[18]. Tandis que l’auteur déclare le sacerdoce lévitique et ses offices, comme étant abolis(10.9), désuets et prêts à disparaître (8.13), il est remarquable qu’il enseigne catégoriquement qu’une observation du Sabbat est laissée en arrière pour le peuple de Dieu (4.9).
Le quatrième chapitre fournira encore plus de considérations complémentaires sur la signification d’Hébreux 4.9. A présent, il suffit de noter que l’Épitre aux Hébreux s’efforce d’éclaircir la continuité et la discontinuité qui résultent par la venue du Christ. Le sacerdoce lévitique, le temple et ses offices sont proclamés terminés par l’arrivée du Christ, mais d’autres aspects de la loi, tel que le « repos du Sabbat » sont déclarés comme étant « laissés en arrière pour le peuple de Dieu » (4.9).
Conclusion
La discussion ci-dessus, sur la continuité et la discontinuité de la loi dans le Nouveau Testament, est incomplète, puisque on a considéré seulement quelques écrivains représentatifs. Les écritures de Paul, où la tension entre la continuité et la discontinuité est particulièrement présente, seront considérées séparément dans les chapitres 6 et 7 en conjonction avec l’attitude de l’apôtre envers la loi en général, et le Sabbat en particulier. Cependant, les écritures représentatives qu’on a examinées font connaître dans le Nouveau Testament la présence d’une forte perception de continuité de l’héritage religieux de l’Ancien Testament.
On a vu que les premiers convertis furent, d’une manière prédominante, des Juifs et des craignants de Dieu qui étaient très zélés dans l’observation de la loi (Ac 21.20). Ils virent le Christ, comme Celui qui accomplissait la loi en clarifiant sa signification, et en réalisant ses promesses. Graduellement, ils s’aperçurent que certains aspects de la loi, tels que ceux qui ont a faire aux sacerdoce lévitique, étaient devenus désuets par l’arrivée du Christ. Par contre, on n’a pas trouvé aucune indication que cette perception menait les Chrétiens à douter ou nier la valeur et la validité de tels aspects moraux de la loi, tel que le principe de l’observation du Sabbat. Des appuis supplémentaires pour cette conclusion seront présentés dans les chapitres suivants.
Note de bas de page
[1]Pour une analyse perceptive et plus étendue sur la façon que Luc souligne la continuité du christianisme avec le judaïsme, voir JACOB JERVELL, Luke and the People of God, Minneapolis, 1972, pp.41-74, 133-152.
[2]JACOB JERVELL (note 1), p.140.
[3]M. MAX B. TURNER, « The Sabbath, Sunday, and the Law in Luke/Acts » dans From Sabbath to Lord’s Day: A Biblical, Historical, and Theological Investigation, éditer par DONALD A. CARSON, Grand Rapids, 1982, p.117.
[4]PHILON, Against Apion, 2,39.
[5]TERTULLIEN, Ad Nationes 1,13. Mon analyse de ce texte se trouve dans Du Sabbat au Dimanche, éd. P. Lethielleux, Paris, 1984, p.205.
[6]A propos de l’origine de la semaine planétaire, voir Du Sabbat au Dimanche, éd. P. Lethielleux, Paris, 1984, pp.195-220.
[7]M. MAX B. TURNER (note 3), p.117.
[8]JACOB JERVELL (note 1), p.144.
[9]Pour une analyse de la base des quatre lois rituelles mosaïques, voir H. WAITZ, « Das problem des sogenannten Aposteldekrets, » Zeitschreift für Kirchengeschichte 55, 1936: 277-279.
[10]M. MAX B. TURNER (note 3), p.119.
[11]JACOB JERVELL (note 1), p.144.
[12]M. MAX B. TURNER (note 3), p.118.
[13]JACOB JERVELL (note 1), p.53.
[14]Ma discussion des références de Luc des temps et des places des assemblées chrétiennes se trouve dans Du Sabbat au Dimanche, éd. P. Lethielleux, Paris, 1984, pp.113-129.
[15]F.F. BRUCE, « Hebrews », Zondervan Pictorial Encyclopedia of the Bible, Grand Rapids, 1978, Vol.3, p.87.
[16]Pour une discussion brève, voir BRUCE M. METZGER, The New Testament, Its Background, Growth, and Content, Nashville, 1965, p.249.
[17]Voir par exemple, A. T. LINCOLN, « From Sabbath to Lord’s Day: A Biblical and Theological Perspective, » dans From Sabbath to Lord’s Day: A Biblical, Historical, and Theological Investigation, éditer par DONALD A. CARSON, Grand Rapids, 1982, p.376.
[18]PLUTARQUE, De Superstitione 3 (Moralia 166A); JUSTIN, Dialogue avec Tryphon 23,3; ÉPIPHANE, Adversus Haereses 30,2,2; Constitutions Apostoliques 2,36,7. A.T. LINCOLN admet que « dans chacune de ces références, le terme dénote l’observation ou la célébration du Sabbat. Cet usage correspond à l’usage de la Septante du verbe congénère sabbatizu (voir Ex 16.30; Lv 23.32; 26.34; 2 Ch 36.21), lequel aussi se réfère à l’observation du Sabbat. Ainsi, l’auteur d’Hébreux dit que depuis le temps de Josué, l’observation du repos du Sabbat a été saillant.» (« Sabbath Rest and Eschatology in the New Testament,» dans From Sabbath to Lord’s Day: A Biblical, Historical, and Theological Investigation, éditer par DONALD A. CARSON, Grand Rapids, 1982, p.213.
(Ce texte est extrait de « Le sabbat dans le Nouveau-Testament » par Samuele BACCHIOCCHI)
Source:https://signesdestemps.org/continuite-du-sabbat-entre-judaisme-et-christianisme/