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Au premier siècle, Alexandrie était la mégalopole la plus peuplée du monde grec. Pour l’Antiquité, il est toujours difficile de donner des chiffres exacts, mais les historiens estiment qu’à cette époque, il y avait entre 400 000 et 1 million d’habitants. La ville était riche et bénéficiait d’un trafic portuaire important. Une voie de navigation la reliait à la capitale de l’Empire et on mettait en général 18 ou 19 jours pour faire le trajet Rome-Alexandrie.
Outre les nombreux gymnases et lieux de divertissement, Alexandrie était surtout connue pour être un haut lieu de culture, qui a notamment abrité la plus grande bibliothèque de l’Antiquité. La ville comptait aussi une importante communauté judéenne.
C’est au sein de cette communauté que naquît Philon. Nous n’avons pas beaucoup de données biographiques sur lui. Nous savons simplement qu’il était déjà avancé en âge au début des années 40. Au vu des critères de l’époque, cette indication laisse entendre qu’il avait probablement aux alentours de 60 ans, il serait donc né aux environs de 20 avant Jésus-Christ.
Philon est issu d’une des familles de notables qui dirigeaient la communauté judéenne d’Alexandrie. Son frère Alexandre était alabarque, c’est-à-dire directeur des douanes et donc extrêmement riche. Cette richesse lui a notamment permis de participer financièrement à la reconstruction du Temple que les disciples de Jésus admiraient (Luc 21 : 5).
Cette famille était aussi proche du pouvoir et Marcus, le fils cadet d’Alexandre, et donc le neveu de Philon, a épousé Bérénice, la fille d’Agrippa Ier. C’est cette même Bérénice qui quelques années plus tard rencontra l’apôtre Paul (Actes 25 et 26)
Comme tous les riches de son temps, Philon ne travaillait pas. Il occupait donc son temps libre par l’étude. Pour les païens, il s’agissait de l’étude de la philosophie, pour un Judéen, c’était bien sûr l’étude de la Torah.
Cette vie tranquille fut cependant troublée par la montée des tensions entre païens et judéens. Si aux siècles précédents, les Judéens avaient été bien acceptés et avaient même pu occuper des postes importants, depuis le début de l’occupation romaine (30 avant Jésus-Christ), les choses changeaient et un antijudaïsme de plus en plus virulent se développait au sein de la population égyptienne. Cet antijudaïsme avait percé dans les milieux intellectuels qui publièrent plusieurs pamphlets contre les Judéens, mais il se diffusa bientôt au sein de la population qui commençait à s’attaquer aux Judéens (agressions physiques, etc.).
Jules César avait accordé un certain nombre de privilèges aux Judéens, ceux-ci pouvaient suivre les coutumes de leurs ancêtres (la loi de Moïse), et notamment observer le sabbat. Par ailleurs ils n’étaient pas obligés de participer aux cultes païens. A la place, ils devaient offrir au Temple de Jérusalem un sacrifice à leur Dieu (YHWH) en faveur de l’empereur. Auguste et Tibère, sous lesquels Jésus a vécu, avaient respecté ces principes.
Cependant à la mort de Tibère, un nouvel empereur, Caligula, arrive au pouvoir. Celui-ci, d’un orgueil démesuré, ne se satisfaisait pas des nombreux honneurs dont il bénéficiait déjà et voulait en plus être adoré comme un dieu.
C’est à ce moment que la foule païenne d’Alexandrie entame un pogrom géant contre les Judéens, avec la complicité du préfet d’Egypte Flaccus. Ce dernier décide de dissoudre les institutions de la communauté et de déchoir les Judéens de tout droit civique à Alexandrie. La foule propose aussi de mettre des statues de l’empereur dans les synagogues, à la fois pour flatter l’empereur et pour humilier les Judéens.
Devant un tel déchainement de haine, les Judéens d’Alexandrie décident alors d’envoyer une ambassade vers l’empereur. Philon est le chef de cette délégation judéenne qui doit rencontrer Caligula. De leur côté, les païens envoient aussi une délégation conduite par un certain Apion. Mais arrivée en Italie, la délégation judéenne apprend une nouvelle bien plus grave : Caligula veut faire élever sa propre statue dans le Temple de Jérusalem. Abomination suprême, c’est la consternation générale.
Philon rencontre alors directement l’empereur et essaye de le faire changer d’avis en lui rappelant que les Judéens offrent des sacrifices à Dieu pour sa protection. Mais rien n’y fait et Caligula ne répond à cela que par la moquerie. Qu’on offre des sacrifices à un autre Dieu en sa faveur lui est bien égal, ce qu’il veut, c’est être lui-même honoré comme un dieu et donc recevoir des sacrifices.
De son côté, le gouverneur de Syrie, Pétronius, qui sait qu’une telle mesure risque de provoquer une révolte générale de tous les Judéens, fait tout pour freiner les choses et ralentir la construction de la statue. Mais lorsque l’empereur l’apprend, il lui donne l’ordre de se suicider. Pour les Judéens, la situation est désespérée.
Mais au moment le plus sombre, alors que tout espoir semblait perdu, c’est finalement Caligula lui-même qui est assassiné, et le nouvel empereur, Claude, annule tous les projets de Caligula. Philon ne manquera pas d’y voir une intervention divine.
Cette ambassade auprès de l’empereur est la dernière trace historique que nous avons de Philon. Nous ne savons rien de la suite de sa vie, qui n’a pas du être très longue, ni de sa mort. Mais si Philon est resté dans l’histoire, c’est avant tout comme commentateur de la Bible. Il a en effet écrit de nombreux commentaires de différents genres : linéaires, thématiques, biographiques, etc. Tous ses commentaires concernent la Torah au sens strict (les cinq premiers livres de la Bible), avec une préférence toute particulière pour la Genèse.
Dans ses commentaires bibliques, Philon parle du « Logos » comme « le fils premier-né de Dieu », « l’image », le « commencement », le Verbe « instrument de la création » mais aussi « l’intercesseur » et « l’ambassadeur ».
Or au début de son évangile, Jean nous révèle que le « Logos » de Dieu n’est autre que Jésus lui-même (1), et tous les titres que Philon applique au Logos, sont justement les titres que Paul et les auteurs du Nouveau Testament appliquent à Jésus (2).
Cette proximité entre Philon et les apôtres n’a pas échappée aux chrétiens des premiers siècles qui connaissaient bien Philon et appréciaient ses commentaires bibliques. Cette attitude a fait naitre progressivement une légende selon laquelle Philon se serait même converti au christianisme. En réalité, cela est presque impossible pour une question de chronologie, et Philon est probablement mort avant d’avoir pu entendre parler de Jésus. En revanche, plusieurs de ses « disciples » ont certainement pu rejoindre très tôt les communautés chrétiennes.
(1) « Au commencement était le logos, et le logos était avec Dieu, et le logos était Dieu.
(…) Et le logos a été fait chair » Evangile selon Jean chapitre 1 versets 1 et 14.
(2) « le fils premier-né de Dieu » (Romains 8 : 29), « l’image » (Colossiens 1 : 15), le « commencement » (Colossiens 1 : 18), « l’instrument de la création » (Colossiens 1 : 16), « l’intercesseur » (Romains 8 : 34)
Mireille Hadas-Lebel, Philon d’Alexandrie, Paris, Fayard, 200
Source: http://didascale.com/philon-dalexandrie/
Complément: